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Qu’est-ce qu’un « alter ego » ?



Qu’est-ce qu’un « alter ego » ?

La personnalité juridique et son application en droit québécois


La théorie de l’alter ego est utilisée dans plusieurs domaines de droit comme le droit criminel, le droit disciplinaire [1] et plus particulièrement en droit civil. Ce sera dans le cadre du droit civil que la théorie sera expliquée brièvement.


1. La personnalité juridique


D’abord, la personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire de droits et de devoirs attribués. Pour une personne physique, donc un humain, elle s’obtient automatiquement dès la naissance et se continue jusqu’à la mort [2]. Pour une personne morale (société par actions, coopérative ou compagnie), elle obtient sa personnalité juridique distincte dès sa création et la perd lorsqu’elle est dissoute [3]. Lorsqu’une entreprise est une personne morale et possède ainsi une personnalité juridique distincte, cela implique notamment qu’elle détient son propre patrimoine, ses propres biens, contracte elle-même ses dettes, peut être poursuivie et peut poursuivre en justice sous son nom à elle. Autrement dit, elle détient sa propre existence juridique indépendamment de ses actionnaires, administrateurs et dirigeants.


2. Le voile corporatif


Puisque la personne morale possède sa propre existence juridique, il est reconnu depuis longtemps [4] et codifié au Québec [5] que cela crée une séparation nette, appelée communément un « voile » entre elle et ses actionnaires, administrateurs et dirigeants. Cela signifie par exemple que les contrats conclus avec une personne morale le sont uniquement avec elle (à moins que le contrat stipule légalement autrement).


2.1. L’exception au voile corporatif


Bien évidemment, le droit québécois en la matière a été conçu de manière à empêcher qu’une personne mal intentionnée utilise une personne morale comme écran afin de se soustraire à sa propre responsabilité personnelle [6]. Dans un tel cas, le voile corporatif pourra être exceptionnellement soulevé afin d’écarter la personnalité juridique distincte de l’entreprise et directement aller chercher la responsabilité personnelle de celui ou celle qui se « cache derrière » [7]. Cependant, un tel soulèvement exige la preuve de l’application de la théorie de l’alter ego et une preuve de fraude, d’abus de droit ou de contravention à l’ordre public.


2.2. La théorie de l’alter ego


C’est pour ainsi invoquer le soulèvement du voile corporatif d’une personne morale que la théorie de l’alter ego entre souvent en jeu. Aussi appelée doctrine de l’identification, elle a été développée en Angleterre il y a très longtemps [8]. Elle constitue une étape préliminaire qui nécessite la preuve d’un lien de droit très étroit entre la personne morale et celui ou celle qui se « cacherait derrière » [9].


Pour ce faire, il y a lieu d’identifier l’âme dirigeante de la personne morale. Ce sera la personne (ou les personnes puisqu’une âme dirigeante peut en englober plusieurs) qui est investie du pouvoir décisionnel, notamment au niveau de la gestion, des transactions quotidiennes et du fonctionnement général [10]. Un tel lien de droit sera facilement démontré lorsque la même personne physique s’avère unique actionnaire, administrateur et dirigeant de la personne morale. Par ces faits, il sera facile d’inférer que la personne physique a le complet contrôle de cette personne morale au niveau de ses actions et décisions.


3. Conclusion


En somme, toute personne au Québec détient une personnalité juridique lui permettant d’être titulaire de droits civils, mêmes certaines entreprises et organisations (celles qui ont le statut de personne morale). Dans ce contexte, il est donc possible qu’une personne soit l’alter ego d’une personne morale, si un lien de droit étroit les uni. Cependant, il est primordial de comprendre qu’être l’alter ego d’une personne morale n’est pas problématique en soi selon la loi. C’est lorsque cette personne morale est utilisée dans des buts de fraude, d’abus de droit ou de contravention à l’ordre public que le législateur québécois, et par le fait même les tribunaux, interviennent. À titre d’illustration, un débiteur insolvable ne peut utiliser une société par actions dont il détient la totalité des actions de façon à éviter de payer les dettes auxquelles il s’est engagé envers des créanciers de bonne foi. De plus, à noter que le soulèvement du voile corporatif n’est pas toujours nécessaire dans le cadre d’une poursuite impliquant une personne morale [11].


[1] Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922, par. 68. [2]Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, article 1. [3] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, article 298. [4] Salomon c. Salomon & Co. [1897] A.C. 22. [5] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, article 317. [6] Yared c. Karam, (C.S. Can., 2019-12-12), 2019 CSC 62. [7] Talbot inc. c. Entreprises Mirgil inc., 2004 CanLII 17854 (QC CA) et 9124-4160 Québec inc. c. 6892965 Canada inc., 2012 QCCS 3207. [8] Lennard’s Carrying Co. v. Asiatic Petroleum Co., [1915] A.C. 705, p. 713, Canadian Dredge & Dock Co. c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 662 et Rhône (Le) c. Peter A.B. Widener (Le), [1993] 1 R.C.S. 497, par. 32. [9] Note précitée 1, par. 74. [10] Général accident compagnie d'assurance du Canada c. Miscou motel ltée, 1999 CanLII 13604 (QC CA). [11] À titre d’exemple, un administrateur qui a contribué à la commission d’une faute extracontractuelle par l’entreprise engage sa responsabilité personnelle sans la nécessité de soulever le voile corporatif. Voir : Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, article 1526 et Fillion c. Chiasson, 2007 QCCA 570.

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