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Quel délai pour contester un avis de cotisation ?

 

Prudence et rigueur face aux délais de déchéance d’une contestation suivant l’article 93.1.13 de la Loi sur l’administration fiscale

  

Mise à jour le 12 juin 2024

  

La Loi sur l’administration fiscale[1] (ci-après la « LAF ») prévoit des délais importants à respecter pour une personne, habituellement un contribuable, qui souhaite s’opposer, puis contester[2]  une cotisation prévue par une loi fiscale.

 

En effet, un contribuable doit d’abord s’opposer à la cotisation visée dans un délai de 90 jours de la date de l’envoi dudit avis de cotisation[3]. Sur réception de l’avis d’opposition, le ministre doit examiner de nouveau la cotisation et annuler, ratifier ou modifier cette dernière ou établir une nouvelle cotisation et transmettre par la poste sa décision au contribuable[4]. Le contribuable peut ensuite déposer une contestation auprès de la Cour du Québec dans les 90 jours qui suivent qui suivent la date où une décision (rendue par le ministre en vertu de l’article 93.1.6) a été transmise par la poste[5].

 

Le mécanisme de contestation est prévu au Chapitre III.2 de la LAF dont notamment les articles 93.1.10 et 93.1.13 :

 

93.1.10. Lorsqu’une personne a présenté un avis d’opposition prévu à l’article 93.1.1, elle peut déposer une contestation auprès de la Cour du Québec (…) pour faire annuler ou modifier la cotisation:

 

a)  soit après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

b)  soit après l’expiration des 90 jours dans le cas d’une opposition visée à l’article 12.0.3, ou après l’expiration des 180 jours dans les autres cas, qui suivent l’envoi de l’avis d’opposition sans que le ministre ait transmis sa décision par la poste.

 

(…)

 

93.1.13. Nulle contestation prévue à l’article 93.1.10 ne peut être déposée après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où une décision en vertu de l’article 93.1.6 a été transmise par la poste à la personne.

 

Toutefois, lorsque le délai prévu au premier alinéa est expiré et qu’il ne s’est pas écoulé plus d’un an depuis la date d’envoi par la poste de la décision prévue à l’article 93.1.6, une personne peut demander à un juge de la Cour du Québec de proroger le délai visé au premier alinéa pour une période qui ne peut excéder le 15e jour suivant la date du jugement accordant cette prorogation.

 

Il est fait droit à une telle demande si la personne démontre qu’elle était dans l’impossibilité en fait d’agir et que la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.


 La décision du juge est un jugement de la Cour du Québec qui met fin à une instance au sens du Code de procédure civile (chapitre C‐25.01).

 

En 2018, la Cour d’appel dans la décision Andreou c. Agence du revenu du Québec[6] rappelle que la LAF est une loi dite impérative et que le délai de contestation d’une décision portant sur un avis d’opposition prévu à l’article 93.1.13 est un délai de déchéance. La déchéance du recours, lorsqu’elle est prévue par la loi, est d’ordre public. Le tribunal a donc l’obligation de déclarer d’office la déchéance et rejeter la demande.

 

Dans cette affaire, la Cour d’appel résume les faits ainsi :

 

[4] Les faits ne sont pas contestés :

 

· le 10 juillet 2014 et le 27 juillet 2015, l’ARQ transmet des avis de cotisation;

 

· à la suite d’avis d’opposition de M. Andreou, l’ARQ confirme les cotisations dans une décision envoyée par la poste le 9 octobre 2015;

 

· le 8 janvier 2016, M. Andreou soumet sa demande d’appel, soit 91 jours après le 9 octobre 2015;

 

· personne ne s’aperçoit du problème de délai et les parties mettent le dossier en état;

 

· à l’occasion d’un changement d’avocats de l’ARQ, celle-ci s’aperçoit que l’appel a été déposé hors délai et, en conséquence, le 3 octobre 2017, elle dénonce un moyen d’irrecevabilité de la demande d’appel de cotisation;

 

· le 6 octobre 2017, donc près de deux ans après l’envoi de la décision du 9 octobre 2015, M. Andreou amende sa demande d’appel pour rechercher une prorogation de délai; il invoque l’impossibilité d’agir plus tôt puisque l’erreur est celle de son avocat.

 

Après analyse, la Cour d’appel conclut que la Cour du Québec n’a commis aucune erreur en refusant de proroger le délai et en accueillant la demande d’irrecevabilité de l’ARQ. La demande de contestation de M. Andreou déposée le 8 janvier 2016 est irrecevable puisqu’elle a été déposée hors délai, soit après l’expiration du délai de 90 jours prévu à l’article 93.1.13 de la LAF. Quant à la demande de prorogation du délai datée du 6 octobre 2017, celle-ci est également rejetée puisqu’il s’est écoulé plus d’un an depuis la date d’envoi par la poste de la décision de l’ARQ datée du 9 octobre 2015.

 

La Cour d’appel souligne, avec justesse, que les tribunaux ne disposent d’aucun pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai d’appel prévu par la loi[7]. Une telle action serait contraire aux intérêts de la justice et contraire à l’article 2878 du Code civil du Québec. En obiter dictum, la Cour d’appel invite les avocats à la prudence face à la déchéance des recours de leurs clients et le préjudice pouvant en résulter[8].

 

Un peu plus de cinq ans après la décision rendue dans l’affaire Andreou, les décisions rendues par la Cour du Québec en application de l’article 93.1.13 de la LAF sont de jurisprudence constante. Cependant, la Cour d’appel a récemment eu l’occasion de venir préciser ses enseignements dans l’affaire Jeux JR inc. c. Agence du revenu du Québec[9].

 

Dans cette affaire, Jeux JR inc. doit déposer sa contestation au greffe de la Cour du Québec au plus tard le 16 mars 2021. Par l’entremise de son avocat, Jeux JR inc. a déposé sa contestation au greffe numérique judiciaire de la Cour du Québec le 15 mars 2021. Or, les droits de greffe n’ont été acquittés que le 22 mars 2021, reportant ainsi la date du dépôt de la contestation au jour du paiement, soit après l’expiration du délai de 90 jours prévu à l’article 93.1.13 de la LAF qui se terminait le 16 mars 2021. De ce fait, la demande de contestation de Jeux JR inc. est hors délai et est irrecevable.

 

En conclusion et avant de déposer une contestation à la Cour du Québec en application des articles 93.1.10 et suivants de la LAF, il importe d’effectuer une analyse approfondie des délais applicables, notamment afin d’éviter tout préjudice causé par la perte du recours. Une bonne connaissance des délais, ainsi qu’un suivi rigoureux est primordial au regard de la Loi sur l’administration fiscale.

 

 Note : cet article est en vigueur au jour de sa rédaction et est sujet à changements.

 

Note : cet article ne constitue pas un avis juridique et ne doit en aucun cas être interprété comme tel.

 

Note : le terme « contribuable » employé dans le présent article est utilisé de façon générale et inclus toute personne visée par la Loi sur l’administration fiscale, incluant notamment les personnes définies aux articles 1 et 1.2.1 de la Loi sur l’administration fiscale, RLRQ c A-6.002.

 

Note : le présent article ne vise qu’à exposer le délai de déchéance de l’article 93.1.13 de la Loi sur l’administration fiscale, RLRQ c A-6.002 et n’exprime ni le processus ni le cheminement complet d’un avis d’opposition et d’une contestation.

  

[1] Loi sur l’administration fiscale, RLRQ c A-6.002 (ci-après « LAF »).

[2] À noter que depuis la modification législative en 2020, la LAF fait référence à des délais de contestation et non plus des délais d’appel.

[3] Supra LAF note 1, art. 93.1.1.

[4] Ibid, art. 93.1.6.

[5] Ibid, art. 93.1.10.

[6] Andreou c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCA 695 (demande d’autorisation d’appel rejetée par la Cour suprême du Canada).

[7] Ibid au para 13.

[8] Ibid au para 14.

[9] Jeux JR inc. c. Agence du revenu du Québec , 2024 QCCA 513.

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