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Assurance-maladie : êtes-vous couverts même hors du Québec?


Assurance-maladie : êtes-vous couverts même hors du Québec?

  

Mise à jour le 23 janvier 2025

 

Le Régime d’assurance-maladie québécois est une fierté nationale, notamment puisqu’il permet aux personnes assurées d’obtenir des soins et des services à faibles coûts.

 

De plus, même lorsqu’une personne assurée reçoit des soins à l’extérieur du Québec, la Loi sur l’assurance-maladie[1] prévoit un mécanisme de remboursement des frais déboursés par la personne assurée.

 

Le Régime d’assurance-maladie québécois est une fierté nationale, notamment puisqu’il permet aux personnes assurées d’obtenir des soins et des services à faibles coûts.

 

Le 15 janvier 2025, dans son arrêt A.P. c. PGQ[2], la Cour d’appel du Québec nous rappelle que cette limitation législative (quant aux sommes remboursables pour les soins de santé reçus à l’extérieur du Québec) s’inscrit dans un contexte où le gouvernement lui-même est sujet à des contraintes budgétaires et des ressources limitées. De plus, cette contrainte assure que les personnes assurées privilégient l’administration des soins au Québec.

 

Dans cette affaire, madame A.P. conteste cette limite monétaire, particulièrement concernant les soins de santé reçus à l’extérieur du Québec et liés à une grossesse ou à un moyen contraceptif. Selon A.P., la limite prévue à l’alinéa 4 de l’article 10 de la LAM enfreint l’article 15 de la Charte canadienne, à savoir le droit à l’égalité et est discriminatoire à l’égard du sexe féminin.

 

1.    Les faits

 

En 2016, madame A.P. est enceinte. Alors qu’elle est en Colombie-Britannique avec son conjoint pour des raisons professionnelles, madame apprend que sa grossesse ne se déroule pas comme prévu et que son enfant à naître est atteint de déficiences importantes, qui affecteront non seulement son développement, mais peut-être aussi sa survie.

 

Dans les circonstances, madame se résigne à interrompre sa grossesse (IVG) et opte pour un stérilet comme moyen de contraception. Madame doit débourser la somme de 1 715,08$ afin d’obtenir ces soins de santé.

 

Madame A.P. se qualifie de personne assurée au sens de la loi. À son retour au Québec, elle demande à la Régie de lui rembourser les dépenses encourues pour les soins de santé, soit l’IVG et le moyen de contraception. La régie accepte, après une première révision[3], de lui rembourser la somme de 605,45$ sur les 1 715,08$ déboursés de sa poche.

 

Insatisfaite, madame conteste la décision de la Régie et s’adresse au tribunal administratif du Québec[4], puis à la Cour supérieure du Québec[5], qui rejettent tour à tour sa demande pour obtenir un remboursement complet.

 

2.    La décision de la Cour d’appel

 

L’article 15(1) de la Charte canadienne[6] en matière de discrimination a fait l’objet de beaucoup de décisions jurisprudentielles par le plus haut tribunal du Canada. Ainsi, la Cour suprême du Canada a élaboré un « test » afin de déterminer si le droit à l’égalité prévu par l’article 15(1) de la Charte canadienne a été enfreint.

 

Afin de déterminer si l’article 10 alinéa 4 de la LAM est discriminatoire, madame A.P. doit démontrer que :


(i)            La disposition législative crée, à première vue (discrimination directe) ou de par son effet (discrimination indirecte), une distinction fondée sur le sexe et;


(ii)           La disposition législative impose un fardeau ou nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage.

 

D’emblée, l’article 10 alinéa 4 de la LAM ne comporte aucune distinction directe[7]. Quant à une discrimination indirecte, la cour d’appel est d’avis que madame A.P. n’a pas fait la démonstration que l’article 10 alinéa 4 de la LAM a un effet négatif disproportionné sur les femmes.

 

La cour d’appel est unanime : la limite imposée pour le remboursement ne crée aucune distinction, qu’elle soit directe ou indirecte. En effet, toute personne assurée (homme, femme, femme enceinte) peut obtenir le remboursement des frais, jusqu’à concurrence des sommes que la Régie aurait versées aux professionnels de la santé si les services avaient été prodigués au Québec. Ainsi, toute personne assurée risque de devoir assumer une partie des frais déboursés pour des services de santé reçus à l’extérieur du Québec.

 

La prétention de madame A.P., que « le fait de ne pas avoir accès à un remboursement illimité du coût des soins de grossesse reçus hors Québec a [un] effet délétère sur l’accès des femmes au marché du travail et leur statut ou leur bien-être socioéconomique »[8] doit s’analyse à la lumière de l’arrêt Elridge[9]. En somme, la preuve de madame A.P. ne permet pas de déterminer que l’absence d’un programme qui prévoit le remboursement intégral des frais engendrés pour des soins reproductifs ne crée pas un fardeau et n’impose pas une obligation que la loi n’impose pas à d’autres.

  

L’article 10 alinéa 4 de la LAM – et plus particulièrement le remboursement limité des frais déboursés pour recevoir des soins reliés à la reproduction à l’extérieur du Québec – ne contrevient pas à l’article 15(1) de la Charte canadienne.

 

3.    Conclusion

 

La cour d’appel reconnait que les tribunaux ne sont pas nécessairement bien outillés pour régler les difficultés du système de santé. Historiquement, les tribunaux ont toujours fait preuve de prudence afin de ne pas imposer de fardeau financier au gouvernement lorsqu’il s’agit de bonifier un programme existant. De plus, la séparation des pouvoirs impose aux tribunaux une limite dans leur intervention. Ce n’est pas le rôle des tribunaux d’usurper le rôle du législateur.

 

Cette décision de la cour d’appel s’inscrit dans un contexte particulier qui fait couler beaucoup d’encre. Les soins de santé qui concerne le système de reproduction féminin est souvent au cœur de débat dans notre société. De façon plus large, il importe de se rappeler que le Canada n’est pas doté d’un système de santé pancanadien. Ainsi, même lors d’un simple voyage de courte durée dans une province voisine, obtenir des soins de santé peut se révéler plus couteux qu’on ne le pense. 

 


[1] Loi sur l’assurance-maladie, RLRQ c. art. 10. (ci-après LAM)

[2] A.P. c. Procureur Général du Québec, 2025 QCCA 24.

[3] Initialement, la Régie accepte de rembourser la somme de 385,50$ en s’appuyant sur l’article 10 alinéa 4 de la Loi sur l’assurance-maladie, RLRQ c.;

[4] A. P. c. Régie de l’assurance maladie du Québec, 2020 QCTAQ 02730.

[5] A.P. C. Attorney General of Quebec, 2022 QCCS 2875.

[6] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, ch. 11 (ci-après la Charte canadienne).

[7] Paragraphes 58 à 63 de la décision de la cour d’appel.

[8] Paragraphe 75 de la décision de la cour d’appel.

[9] Elridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 RCS 624.


 

Note : cet article a été rédigé avant la fin du délai d’appel (auprès de la Cour suprême du Canada) de la décision.

Note : cet article ne constitue pas un avis juridique et ne doit en aucun cas être interprété comme tel.

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