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La monnaie et l'argent comptant : le cadre légal du mode de paiement


Les technologies : Une cause de la possible disparition de l’argent comptant ?


Sous sa forme connue aujourd’hui, la monnaie est apparue plusieurs siècles avant J.-C. Avant qu’elle ne prenne cette forme, on utilisait d’autres moyens de transactions qui étaient moins commodes. Dans le but de faciliter les échanges, on a vu apparaître la monnaie et les billets. On cherche encore aujourd’hui à trouver des moyens de faire des transactions le plus facilement et le plus sécuritairement possible. La venue des nouvelles technologies a révolutionné bien des domaines et celui des transactions n’y a pas échappé.


On l’aura tous constaté, l’argent comptant circule de moins en moins. On peut se demander si ce mode de paiement est voué à la désuétude et qu’il serait temps de le faire disparaître. Si certains sursautent en pensant à cette possibilité, d’autres ne sont probablement pas concernés par la question puisqu’ils ne l’utilisent presque jamais. Que faut-il en penser? La question s’avère plus complexe que de considérer simplement un aspect pratique. En effet, d’autres enjeux sont sous-jacents à la disparition de l’argent comptant et même que certains de ces enjeux peuvent devenir ou constituent déjà l’apanage de certaines entreprises qui disposent d’intérêts à voir l’argent comptant disparaître.


Le choix du mode de paiement ; c’est volontaire


C’est la Loi sur la monnaie[1] qui régit la devise canadienne. Malgré son cours légal et son pouvoir libératoire, on voit plusieurs commerces refuser d’être payés avec certains billets comme avec un billet de 50 ou de 100 dollars. Il arrive même qu’aucun paiement comptant ne soit accepté et que le paiement par débit ou crédit soit les seuls modes de paiement acceptés. Les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle rendent aussi possible l’utilisation d’autres modes de paiement comme avec la chaîne de bloc qui devient de plus en plus utilisée.


Le mode de paiement est au choix du commerçant, en autant qu’il en avise son client et que ce dernier accepte. Vu sous cet angle, on peut facilement tisser un lien avec les éléments constitutifs d’un contrat. Toutefois, lorsque le commerçant accepte le paiement en espèce, la loi[2] prévoit certaines limites en ce qui concerne l’utilisation de la petite monnaie. En effet, vous pouvez vous faire refuser de vider votre tirelire dans la caisse d’un commerce. Par exemple, pour une facture qui dépasse vingt-cinq dollars, un commerçant peut refuser de recevoir en paiement plus de 25 pièces de 1 dollar et chaque pièce de petite monnaie dispose d’une telle limite. Cela dit, l’apparition des nouveaux modes de paiement développés grâce aux technologies a contribué à bonifier le choix. De plus, les avantages pratiques apportés par le commerce en ligne rendent l’utilisation de l’argent comptant de moins en moins attirant.


Les nouvelles technologies et le paiement : Qu’en est-il ?


C’est ce qui nous amène au cœur de notre sujet. L’utilisation des technologies nous pousse à abandonner notre bonne vielle monnaie. Il est cependant pertinent de soulever certains enjeux posés par ce virage techno.


Plusieurs vont dire que la technologie facilite les transactions et même qu’il n’est pas exagéré de dire la vie en général. Toutefois, il ne faut pas oublier que certaines personnes n’adoptent pas ce type de transaction et pourraient potentiellement être sans ressources si l’argent comptant venait à disparaître. Cela reste aujourd’hui encore une question de choix, mais sommes-nous à la veille de perdre ce choix ?


Plusieurs indices pointent dans la même direction, soit celle de suivre la vague techno et opter pour abandonner l’utilisation de l’argent comptant dans les transactions de tous les jours. Même certains événements incitent les autorités vers ce choix. Dernièrement, on a vu que l’argent comptant était pratiquement fui comme la peste à cause de la Covid. Nous ne sommes peut-être pas si proche de sa disparition mais nous sommes en plein dans le mouvement qui va probablement nous y conduire.


Selon nous, la raison majeure de ce changement est en lien avec le développement exponentiel que l’internet a permis au commerce. Cette avancée a même permis aux consommateurs d’avoir accès à partir de leur domicile à une quantité d’offres incroyables venant des quatre coins du monde. Notre droit a mis du temps à s’adapter afin de réguler les activités se déroulant sur la toile au Canada, mais des efforts ont permis de mieux encadrer ce qui s’y déroule. Toutefois, des problèmes subsistent, notamment la problématique causée par les limites du droit interne face à nos frontières terrestres qui rendent hors de portée certaines personnes qui ne sont pas régies par les lois du Canada. Les grands joueurs tels qu’Amazon, Google, Facebook et Apple en ont profité pour prendre le monopole du marché. Bien que cette prise de marché soit déclarée illégale[3] et punissable[4] par de fortes amendes dans quelques États, on ne peut que constater l’emprise que ces géants du Web ont sur les consommateurs.


Le commerce a adopté un nouveau visage qui nous parait déjà être devenu la normalité. Bernard E. Harcourt disait d’ailleurs que « notre existence numérique est devenue notre vie […] »[5]. Même notre plus haut tribunal laissait entendre que « l’utilisation des technologies de l’information proposées par les géants du « Web » n’est plus un choix. »[6] Il faut se rendre à l’évidence, qu’on le veuille ou non, les technologies créent un changement d’habitudes dans la façon de faire des transactions et l’argent comptant n’est pas une option dans l’ère du commerce en ligne.


Les intérêts plus ou moins cachés des géants du Web


Peut-être que vous n’y portez pas attention par choix mais une quantité phénoménale d’informations est analysée par les algorithmes des mégas compagnies qui commercent sur internet. En effet, ces entreprises ont su développer en quelque sorte une ressource naturelle inépuisable via les internautes. Cette ressource est en fait puisée à même votre utilisation des technologies et vos transactions. Il s’agit de compiler les données que vous transmettez lorsque vous effectuez vos achats en ligne et même tout simplement quand vous naviguez sur le net. En plus de capter vos informations personnelles, ces entreprises engrangent même le « surplus informationnel »[7] dégagé par vos habitudes de consommation. Ces informations peuvent permettre à des logiciels d’intelligence artificielle de faire des prédictions quant à vos besoins afin de vous faire des offres qui attireront votre œil de consommateur. Ces compagnies ont ainsi comme objectif de se rapprocher de plus en plus de vous personnellement. On aura donc compris que ce genre de transaction dissimule un objectif lucratif autre que simplement celui pour lequel vous avez librement consenti, soit la transaction comme telle. Combiné avec les limites territoriales dont notre droit souffre, ces intérêts posent le problème de protéger les renseignements personnels.


L’effritement volontaire de la protection des renseignements personnels


Lorsqu’on y réfléchit, on réalise que les consommateurs en sont pratiquement venus à minimiser l’effet intrusif de la collecte de données. Sommes-nous rendus trop intimes avec les GAFA[8] et avons-nous décidé que nos renseignements personnels méritaient moins de protection au bénéfice de la facilité que le magasinage en ligne peut procurer. Au Canada, la Loi[9] énonce les différents principes qui gouvernent la protection des renseignements personnels[10]. Lorsque vous consentez à faire une transaction, il faut que votre consentement couvre la fin visée. Simplement dit, on parle ici de consentir par exemple à une transaction de vente achat mais aussi de consentir ou non à ce que la compagnie avec qui vous faites affaire cumule vos informations et les utilise à des fins autres. Il peut même arriver que certaines compagnies du Web vendent les renseignements qu’elles obtiennent à d’autres entreprises. Là où le bât blesse, c’est qu’il s’agit d’une loi du Canada et bien que l’on fournisse ici des efforts pour protéger les citoyens, notre droit se frappe encore à ses frontières. Donc, si vous faites affaire avec des entreprises qui échappent aux lois canadiennes, vous risquez de voir vos informations personnelles s’envoler dans le nuage.


Conclusion


Notre immersion vers l’utilisation toujours plus présente des technologies continuera d’amener sans doute d’autres innovations qui proposeront des avantages indéniables. Ce court texte nous a permis d’expliquer que les modes de paiements choisis demeurent un choix qui nécessite le consentement. Nous avons également avancé que les technologies sont en grande partie responsables de la diminution de l’utilisation de l’argent comptant et du changement de nos habitudes. Nous avons voulu aussi faire ressortir principalement le risque qu’engendre l’utilisation de ces technologies comme mode de paiement en ce qui concerne la protection des renseignements personnels qui peuvent être collectés lors des transactions. Bien que notre droit puisse régir la divulgation et la collecte des informations personnelles, il demeure encore aujourd’hui qu’il ne peut avoir d’emprise sur tout le commerce se déroulant sur le Web auquel nous avons accès.


[1] Loi sur la monnaie, L.R.C. (1985), ch. C-52. [2] Loi sur la monnaie, L.R.C. (1985), ch. C-52. Art. 8 al 2. [3] Par exemple la Loi sur la concurrence, LRC (1985), ch. C-34. [4] Google condamné en Europe à payer 9 milliards et plus récemment en octobre 2020 aux États-Unis d’Amérique, une plainte est déposée contre Google pour empêcher le monopole de marché. [5] Bernard E. Harcourt, Exposed. Desire and Disobedience in the Digital age, Harvard University Press, Boston, 2015. [6] Douez c. Facebook Inc. [2017] 1RCS 751. [7] Shoshana Zuboff, The Age of Surveillance Capitalism. The Fight Future at the New Frontier of Power, New York, 2019. [8] Google, Amazon, Facebook et Apple. [9] Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, LC 200, c5. [10]Code type sur la protection des renseignements personnels, CAN/CSA-Q830-96.

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